Votre santé n’est pas que l’affaire des blouses blanches, mais d’abord la vôtre. |
Une étudiante m’a demandé mon avis sur le handicap
De manière générale, en tant que soignant, j’ai constaté qu’il y a une grosse différence entre :
- le handicap acquis - et le handicap congénital.
- Celui qui arrive au handicap, (déficience sensorielle ou gêne de mobilité), fera tout son possible pour l’effacer, non pas le nier, mais il fera tout pour compenser. - Tandis que le handicapé congénital, malgré qu’il lui faudra plus de temps qu’un autre pour se déplacer, pour s’habiller et se déshabiller, arrivera presque toujours en retard chez son kiné, et retardera encore à cause des vêtements.
En temps que non-voyant (cécité à l’âge de 15 ans), j’ai maintenant une perception différente des choses que celle de mes premières années. L’audition se développe de manière intensive. Lorsque nous étions encore à l’époque des francs, je reconnaissais la valeur d’une pièce au bruit de sa chute. C’est difficile avec les euros, mais ça viendra. Cette audition développée a gêné mes enfants, car j’entendais ce qu’ils faisaient dans leurs chambres, portes fermées, d’où l’intérêt pour eux de mettre la musique, dès qu’ils ont pu.
De manière générale, tous les sens restants se développent : odorat, le toucher et aussi la proprioception.
L’odorat : Avec l’expérience, il est facile de reconnaître le bon niveau de cuisson des plats habituels à plusieurs mètres, et même en fumant. Pour la cuisine, on peut, à l’oreille, savoir si l’eau bout ou pas, si le niveau du feu est trop fort pour les steaks. Pour rester dans la cuisine, avec l’attention, on peut repérer si la cafetière électrique ou la plaque sont encore allumées, grâce aux clics, tout en discutant ou avec la radio qui fonctionne.
Le non-voyant utilise tous les sens restants dans des conditionnements. Pour le déplacement dans les rues, la première fois, il faut tout enregistrer : la nature du sol (béton, terre, goudron), bord du trottoir ...tout ça sous la semelle.
En ce qui concerne les trottoirs, il faut repérer l’horizontalité, les pentes, dans le sens de la marche, ou les inclinaisons dans le sens latéral. Cela permet d’enregistrer les passages piétons, les entrées de garage ou de parking.
Le repérage des obstacles est indispensable : arbres, poteaux, bornes d’incendie, feux tricolores, emplacement des poubelles. Cela permet d’avoir une notion de distance dans la longueur et la largeur du trottoir.
D’autres repères sont utilisables : le son, résonnance des murs latéraux. Cela permet de remarquer les entrées d’immeubles, de garages, de magasins.
Pour les magasins, l’odorat peut servir : facile de faire la différence entre la boulangerie et la charcuterie.
Une fois que tous ces éléments sont enregistrés, cela passe au niveau du conditionnement, et la marche devient automatique. A l’époque où je faisais beaucoup de soins à domicile, dans les trajets habituels, les valides m’embarrassaient par leur lenteur : je marchais plus vite qu’eux !
Dans les espaces connus, l’aveugle n’a pas besoin de repères à toucher, tout est enregistré : les irrégularités du carrelage, les passages des portes, les résonnances liées aux meubles, aux portes et fenêtres ouvertes ou fermées. D’une place habituelle, il peut faire quelques pas pour atteindre sans hésiter la poignée de la porte du placard, et tendre la main en direction de l’objet recherché ...s’il n’est pas déplacé par un autre !
Le conditionnement peut avoir des inconvénients. Revenant de la maison de campagne, je mets à chauffer une casserole à l'appartement. Malheureusement, si la disposition des plaques de cuisson est la mêmes, des boutons ne correspondent pas au même foyer pour les deux cuisines. J’allume le foyer ...et je suis appelé aux toilettes par mes tripes. Encore dans ces lieux étroits, je sens une odeur bizarre. Le temps d’en terminer avec cet endroit, de revenir et d’arrêter le gaz, la poignée de la casserole avait souffert !
Dans mon travail, l’audition me permet de constater la déambulation des patients, en arrivant et après les soins. Dernièrement un patient de plus de 80 ans, venant pour la rééducation de la hanche après prothèse, se déplaçait toujours avec une canne. Le jour de son dernier passage, il est arrivé sans canne, je l’ai remarqué et lui ai dit. C’est preuve de l’efficacité du traitement. Mais l’audition, pourtant développée, ne m’empêche pas de chanter faux !
D’autres sens sont utiles : la poignée de main est très utile. Bien évidemment, pour un patient qui a eu au bras droit, luxation, entorse ou fracture, c’est très utile, une fois que l’immobilisation est enlevée. Mais en dehors de cela, la poignée de main est comme une signature : main moite ou sèche, poignée de main ferme ou molle. Comme le chantait Brassens à propos des fesses (« on ne tortille pas son popotin de la même manière pour un droguiste, un sacristain, un fonctionnaire »), on peut trouver des poignées de mains commerciales, timides, hésitantes ou fermes, qui, parfois, ne correspondent pas au vrai tempérament de la personne.
L’audition peut permettre d’identifier quelqu’un de connu juste en entendant un mot prononcé. Mais par exemple, ce matin en sortant de mon allée, une femme me dit « bonjour ! » : je suis poli, je dis « bonjour ! ». Il m’a fallu faire quelques pas de plus, quelques secondes, pour comprendre que c’était la gardienne. Je n’étais peut-être pas encore assez réveillé. |
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